Sur la question numérique – comme sur beaucoup d’autres –, l’apparent changement de couleur de la majorité parlementaire en 2012 n’a pas constitué d’alternance politique : les promesses et positionnements des futur·es élu·es et ministres socialistes durant les débats législatifs et campagnes électorales du quinquennat précédent n’ont pas survécu à leur arrivée au pouvoir. Trahissant ses engagements – abrogation de la Hadopi, protection de la neutralité du Net, opposition au blocage administratif et aux DRM, critique de la diabolisation continue d’Internet… – la nouvelle majorité a relayé sa prédécesseure dans l’entreprise de démolition méthodique de l’Internet porteur de promesses d’émancipations généralisées par la diffusion de la libre expression, des savoirs et informations, des œuvres culturelles ou de la possibilité de prendre part aux décisions démocratiques. Sans faire preuve de naïveté quant à la possibilité de réalisation effective de ces promesses, nous n’avons tout de même que peu de doutes sur le fait que la poursuite de l’empilement législatif concernant ces techniques l’empêchera.
En outre, l’arrivée au pouvoir de François Hollande s’est accompagnée de la disparition d’une opposition parlementaire à même de relayer les idées exprimées à l’extérieur des institutions représentatives. En effet, les élu·es des groupes nouvellement minoritaires ont au moins eu, quant à eu·lles, le mérite de la constance dans l’erreur. Le sectarisme des groupes politiques, et plus généralement un délitement démocratique global, ont terminé de verrouiller les débats sur la question de la régulation des abus de la liberté d’expression en ligne et d’éloigner les propositions et avis des citoyen·nes non élu·es des discussions menées au sein des institutions législatives.
L’agitation médiatique de promesses et dispositifs étiquetés toujours plus « collaboratifs » et « innovants » ne parvient plus à masquer les positions réelles des gouvernements et élu·es se succédant au pouvoir. De manière continue depuis les premières lois liées aux Internets, ces derniers ont œuvré à l’extension des possibilités de contrôle des populations par la surveillance et la censure – tantôt au nom de la lutte contre le terrorisme, tantôt de celle de la lutte contre tel ou tel genre de propos. L’une des conséquences de ce choix est qu’il tend à la préservation des positions sociales existantes en réservant les effets positifs des nouvelles techniques aux seul·es act·rices déjà à même d’en profiter. L’unanimité des dirigeant·es concernant l’extension de la LCEN et des autres dispositifs permettant ou entraînant la censure de contenus accessibles sur Internet sans intervention de l’autorité judiciaire n’en est qu’un exemple dramatique parmi d’autres. Tant que les législations concernant le domaine numérique ne seront pas guidées par une volonté de réellement protéger et favoriser les droits fondamentaux et l’égalité sociale, elles ne permettront que le maintien d’un statu quo ne bénéficiant qu’aux acteurs oligopolistiques ou à celles et ceux déjà fortement doté·es en capitaux.
Texte publié sur lcen.fr pour l’entrée Le Gouvernement est favorable à cette disposition.